L’avion et l'électricité
Chacun constate que les batteries ont envahi notre quotidien : elles alimentent ordinateurs, téléphones, télécommandes, équipements de bord des voitures …
Les spécialistes sont conscients que les batteries ont une énergie et une puissance insuffisantes pour assurer de gros travaux, dans la durée.
Ceci ne semble pas décourager les constructeurs. Les uns se lancent sur le marché des voitures électriques, les autres, des vélos, trottinettes, hoverboards, gyroroues, gyropodes et même skates électriques. D’autres, plus téméraires prétendent électrifier les avions.
Tout ceci dans une ambiance un peu folle de sauvegarde de l’environnement animée par les pouvoirs publics et encouragée par des mouvements écologistes.
Tout se passe comme si ces constructeurs pensaient que le progrès technologique allait améliorer la densité énergétique des batteries au point d’égaler l’essence et le kérosène.
Qu’en est-il aujourd’hui ? C’est à cette question que la présente lettre s’efforce de répondre.
ÉTAT DE L’ART AUJOURD’HUI
Pouvoir énergétique aujourd’hui
- Batterie lithium ion : 200 Wh/kg de batterie
- Kérosène : 12 800 Wh/kg de kérosène
Notre lettre pourrait s’arrêter sur ce constat, mais il y a toujours au fond de nous l’espoir que le progrès technologique change la donne. Est-ce possible ?
Pour que les batteries concurrencent les carburants fossiles, il faudrait qu’elles s’allègent d’un facteur 64. Or, un tel challenge n’a guère de chance d’aboutir. N’a-t-on pas déjà allégé tous les constituants des batteries ? Le lithium est le plus léger et le plus connu. L’électrolyte chargé de transmettre les ions a forcément une masse difficile à réduire. Le boîtier métallique, les câbles alourdissent l’ensemble, mais il est impossible de s’en passer. Que faire de mieux ?
Ceci étant, la lettre TBM d’aujourd’hui, comme les précédentes, n’a aucunement l’intention de critiquer les projets et réalisations des véhicules électriques. Notre lettre a pour but de donner à nos lecteurs, l’état du pouvoir actuel de la fée électricité en matière de motorisation. Nous donnons aussi un avis sur son possible avenir. Nous examinons successivement le cas des véhicules terrestres électrifiés, puis celui des avions pour lesquels les recherches d’électrification sont multiples.
POURQUOI DIANTRE N’ARRIVE-T-ON PAS À ALLÉGER LES BATTERIES ?
Quand on parle de véhicule motorisé à l’électricité, on parle d’un montage de cellules de base montées en série afin obtenir de la puissance et en parallèle de l’autonomie.
Ci-après un exemple de cellule constituant une batterie Li-ion.
Chacune de ces cellules peut fournir une tension de 3.7 V et une intensité de 3.5Ah ce qui donne une énergie de 3.7 V x 3.5 Ah = 13 Wh (peu de chose, c’est l’énergie d’une lampe de 100 W pendant 8 minutes).
Chacune de ces cellules Lithium ion pèse 75 g. Mais direz-vous, ce n’est pas si lourd… Oui, mais pour parvenir à motoriser une voiture, il en faut beaucoup. Par exemple, sur une Tesla, il faut 7100 cellules de ce genre, soit 590 kg de batterie.
Malgré tous les progrès réalisés pour alléger les constituants des cellules (électrodes, électrolytes, coques) on reste dans des limites de 200 Wh/kg.
La tension de 3.7 V obtenue est également une butée physique de l’oxydoréduction. De tous les corps connus, figurant dans le tableau de Mendeleïev, c’est le couple Lithium-ion qui donne un des plus grands potentiels.
Conclusion : l’énergie massique des batteries restera de l’ordre de 200 Wh/kg. Les valeurs de 300Wh/kg … 1000Wh/kg annoncées pour l’avenir, par certains fabricants, ont toute chance de rester des promesses difficiles à tenir. Cependant, et si par miracle, elles étaient tenues, cela ne changerait strictement rien à nos conclusions, car cela ne pourrait combler leur handicap par rapport au kérosène.
LES BATTERIES ET LES VÉHICULES TERRESTRES
Les véhicules électriques ne sont pas une nouveauté. À la fin du XIXe siècle, dans Paris, comme dans toutes les grandes Capitales, les taxis roulaient presque tous à l’électricité. Les voitures à pétrole paraissaient hors-jeu. Puis, le temps passant, les moteurs thermiques, au prix de lentes améliorations ont repris le dessus, au point de devenir hégémoniques. Mais un nouveau retournement semble s’amorcer, ces dernières années, en faveur du moteur électrique avec l’arrivée de nouvelles batteries, en particulier celles au Lithium.
Le vélo électrique
Ainsi, on voit fleurir des vélos électriques qui font fureur parmi un large public . Ces vélos sont de petites merveilles. Avec 2.5 kg de batterie Lithium (13 cellules de base 36 V – 10 Ah) et 7.5 kg d’équipement électrique, un vélo pèse 25 kg. Pas très léger, mais cela n’a rien de rédhibitoire, d’autant qu’il permet à son utilisateur de rouler à 25 km/h sur une cinquantaine de km. D’autres modèles peuvent atteindre 100 km d’autonomie.
Trottinettes
La trottinette électrique est également un magnifique exemple d’utilisation du moteur électrique. Avec moins de 4 kg de batteries (50 cellules de base 3.7 v – 3.5 Ah) elle peut transporter son passager à 35 km/h sur 25 km.
En comptant les Wh/km/passager, c’est de loin le véhicule le moins gourmand en énergie (deux fois moins qu’une voiture électrique).
Mais son avenir est compromis. À la suite d’un vote à 90 %, les Parisiens ont voté pour l’interdiction des trottinettes libre-service, réputées trop accidentogènes. C’est ainsi que 15 000 de ces véhicules ont migré vers d’autres villes en France et à l’étranger.
En matière de moyen de transport, rien n’est jamais gagné. Il ne suffit pas d’être vertueux pour l’environnement, encore faut-il prouver son innocuité pour soi-même et les autres !
Voiture électrique
Avec la voiture électrique, les avantages de la motorisation électrique deviennent moins probants. La TESLA 85 kW ci-dessous est un des modèles de voitures électriques. Elle est équipée de 590 kg de batteries constituées de 7100 cellules 3.7 V – 3.5 Ah (ça commence à faire lourd pour une masse à vide de 1850 kg).
Elle peut parcourir jusqu’à 490 km avec 4 passagers à bord et à condition de maintenir une vitesse inférieure à 90 km/h. L’autonomie, le temps de recharge, sans parler du coût ne permet pas à ces voitures de pénétrer le marché des grandes routières à moteurs thermiques. En revanche, elles peuvent reconquérir le domaine perdu, il y a cent ans, des taxis parisiens.
Voiture hybride
Il est instructif de regarder ce qui se passe dans l’industrie automobile ayant souvent une longueur d’avance dans les progrès.
Concernant le succès limité des voitures hybrides, voici ce qu’en dit la presse :
Il semble que les acheteurs se détournent de ces modèles parce qu’ils sont d’abord moins subventionnés par les fameux bonus écologiques que les tout électrique. Pourtant ces véhicules restent chers à cause du double moteur, en moyenne 9.000 euros de plus qu’une voiture classique. Ensuite, il faut les charger souvent à cause de leur faible autonomie électrique, rarement plus de 50 kilomètres. Et lorsqu’ils roulent à l’essence, ils consomment davantage que les voitures normales, car ils sont plus lourds à cause de la batterie.
LES BATTERIES ET LES AVIONS
L’idée d’utiliser l’énergie électrique pour motoriser les avions ne date pas d’hier. En 1884 le capitaine RENARD, ayant équipé un ballon de batteries, avait réussi à faire le trajet aller-retour de quelques kilomètres, séparant Chalais-Meudon de Villacoublay. Déjà à cette époque, on constatait que la masse des batteries et la faiblesse de leur charge n’auguraient pas un grand avenir à ce mode de motorisation.
Ce type de motorisation électrique connut une très longue éclipse. Seuls des modèles réduits fabriqués par des aéromodélistes, des appareils sans pilote, reparurent dans les années 1960.
Cri-Cri
Le réveil semble se produire avec le minuscule avion Cri-Cri, plus léger que son passager (masse à vide 78 kg et maxi décollage 170 kg). En 2010, avec des moteurs électriques et des batteries Lithium Polymère, il peut voler 25 minutes en atteignant une vitesse de 260 km/h.
Les performances normales pour ce Cri-Cri équipé d’une cinquantaine de kilos de batterie Li P (200 Wh/kg)
Sa finesse de l’ordre de 10 lui permet de parcourir 100 km en 25 minutes. Nous n’épiloguerons pas sur l’autonomie de ce Cri-Cri doté de 50 kg d’essence…
Solar Impulse.
Le spectaculaire Solar Impulse du téméraire Suisse Bertrand PICCARD allait raviver la flamme « électrique ». Doté de moteurs électriques alimentés par des panneaux solaires répartis sur l’immense voilure, il allait boucler un tour du monde en 17 étapes … et 17 mois étalés sur 2015 et 2016. La quinzième étape New York - Séville, de 6300 km, s’effectuera en 71 heures à la vitesse de 88 km/h.
Cent ans avant, rappelons que Charles Lindbergh avait traversé l’Atlantique de New York au Bourget en 33 heures, à la vitesse de 188 km/h. Son Spirit of saint Louis était bruyant tout en répandant cinq tonnes de CO2 sur l’Atlantique. L’Océan n’a pas dû y prêter grande attention, lui qui en absorbe un million de tonnes par jour…
E-FAN
Ce 25 avril 2014, l’ambiance était euphorique sur la base de Mérignac, à l’occasion du vol inaugural de L’E-FAN 100 % électrique. Les deux ministres présents (Ségolène Royale et Arnaud Montebourg) ne tarissaient pas d’éloges.
On a pu entendre : « l’E-FAN n’est que la première étape dans la production de générations successives d’avions électriques de tailles croissantes, jusqu’à la finalité de construire des avions gros porteurs tout électriques dans les vingt prochaines années »
Que trouver à redire, quand deux ministres se penchent sur le berceau d’un nouvel avion ? Cependant, nous leur avons donné notre avis sur l’avenir des avions électriques. Courrier demeuré sans réponse.
En 2015, VoltAir, filiale d’Airbus annonçait son projet de construire une usine à Pau devant fabriquer 40 à 80 E-FAN par an.
Le 10 juillet 2015, l’E-Fan traversait la Manche : 74 km en 48 minutes. Il renouvelait ainsi l’exploit de son ancêtre, le Blériot XI qui l’avait traversée en 32 minutes en 1909.
En 2017, Airbus abandonne l’E-FAN. Adieu l’usine de Pau et ses promesses d’emplois. Airbus parle d’un nouveau projet E-FANX, abandonné à son tour en 2020 pour soutenir l’hybridation d’un ATR72 (voir la lettre TBM sur l’hydrogène).
De son côté, VoltAir repart avec un hybride Cassio 330.
Tout cela ne fait-il pas désordre ?
Un bureau d’études comme celui d’Airbus Toulouse sait, mieux que nous, qu’un avion électrique ne peut être, au mieux, qu’un avion d’aéroclub. Un avion hybride (moteur thermique + électrique avec pile à combustible) est voisin de la chimère en raison de la masse et du volume des réservoirs d’hydrogène. On savait que l’E-FAN de 550 kg doté de 137 kg de batteries aurait une autonomie du même ordre que celle de son prédécesseur Cri-Cri : 45 minutes.
Si les grands avionneurs civils continuent leur piétinement vers l’avion électrique, n’est-ce pas pour la publicité que leur apportent leurs efforts concernant la décarbonation ?
MOTORISATION HYBRIDE DES AVIONS
Dans notre lettre consacrée aux Start-up, nous avons étudié quatre projets d’avions hybridés lancés par AuraAero, Voltaero, Diamond et Elexir. Notre conclusion a été que l’hybridation n’apporte aucune solution miracle aux limites des avions électriques. Les hybridés n’ont guère plus d’autonomie et ne décarbonent pas plus. Les seuls avions hybridés affichant des distances franchissables supérieures à 500 km, le doivent au moteur thermique assurant dans certains cas 80 % du vol.
La messe est-elle dite pour autant ?
Nous résumons ci-après les projets Cassio hybridés de Voltaero examinés dans notre lettre consacrée aux Start-up.
VoltAero a reçu 5.6 millions € de la banque publique d’investissement pour financer le développement de l’avion électrique hybride Cassio 330 dans le cadre du plan France 2030.
VoltAero reçoit également le soutien du GIFAS, de l’UE et de la région Nouvelle Aquitaine.
VoltAero bénéficie de l’appui du motoriste SAFRAN avec le moteur hybride INGENIeUS.
Son programme schématisé ci-dessous a tout de sérieux :
Le handicap électrique serait-il réglé, grâce à l’hybride ?
Dans notre revue TBM de juin 2011 et octobre 2014, nous avons démontré, chiffres à l’appui, les limites de la motorisation électrique et celles de la formule hybride. Cette dernière alourdit l’avion, complexifie le système de motorisation, sans gain notable par rapport au thermique pur.
Les projets Cassio, schématisés ci-dessus, confirment nos conclusions de l’époque.
Voltaero 1 propulsion dite Pur électrique
(200 km), les 330 kW annoncés sont constitués de 3x60 kW électrique + 150 kW thermique. Le constructeur annonce une vitesse de croisière de 360 km/h, la distance max de 200km sera réalisée en « électrique pur » en 33 minutes. Rien à redire, c’est tout à fait classique. La masse des batteries (non connue) pourrait être de 450 kg compte tenu de la densité énergétique actuelle de 200 Wh/kg. C’est considérable par rapport à l’équivalent énergétique en kérosène 7 kg !
33 minutes et 200 km d’autonomie sont les performances que nous annoncions dans nos TBM.
Voltaero 2 avion dit court-courrier régional
(200 à 600km) Les 480 kW annoncés sont constitués de 180 kW électrique et 300 kW thermique.
Les 600 km revendiqués à 360 km/h seront parcourus en 1 H 40 min. La répartition du vol sera :
- Vol sur batteries 33 min énergie dépensée 100 kWh
- Vol sur moteur thermique 1 h 07 min. énergie dépensée 335 kWHh.
Sur les 600 km, 200 seront effectués en électrique et 400 en thermique.
VoltAero 3 version dite moyen courrier régional
(1200 km), les 600 kW annoncés sont constitués de 180 kW électrique + 420 kW thermique. % La durée de vol est de 3 h 36, pour une distance de 1 200 km. C’est le moteur thermique qui assure 85 % du vol (1000 km thermique et 200 km électrique).
Le CO2 est encore là…
Dans leurs présentations, les constructeurs actuels ont une figure imposée : « la décarbonation ».
Tous les constructeurs, aussi géniaux soient-ils, butent sur cette épreuve. N’est-ce pas un peu leur demander de résoudre la quadrature du cercle ?
Un avion électrique pur ne peut tenir la distance demandée.
Un avion hybride peut tenir la distance, mais il carbone à peu près autant que l’avion thermique. Les projets de VoltAero le démontrent à leur corps défendant.
VoltAero s’en sort par une pirouette, en annonçant :
« 20 % d’émissions inférieures à celles des aéronefs comparables en mode hybride complet »
Cette déclaration de VoltAero est exacte.
Les 200 premiers km sont décarbonés à 100 %.
Mais au-delà de 200 km, la part de l’électrique diminue rapidement au profit du thermique. Au point qu’après 500 km (250 km aller-retour), l’intérêt de l’électrique n’est plus significatif pas plus que celui du gain en CO2 par rapport à la motorisation thermique.
L’hybride n’est pas un miracle. Les automobilistes le savaient déjà.
AVION ÉLECTRIQUE = COURTES DISTANCES
Pourquoi l’électrique ne « marche » que pour les courtes distances ?
On a tendance à croire qu’il suffirait d’ajouter suffisamment de batteries dans un avion pour obtenir des distances plus grandes, identiques à celles des avions motorisés thermiques. C’est une erreur. Nous expliquons pourquoi ci-après.
Avion électrique – Avion Thermique
Un avion, c’est en gros :
- 50 % de masse à vide,
- 25 % passagers et fret,
- 25 % de carburant.
À titre d’exemple un avion de 10 tonnes de masse maxi au décollage c’est :
- 5 t à vide,
- 2.5 t de passagers et fret
- 2.5 t de carburant.
Calculons les autonomies de cet avion motorisé de deux façons :
1. Motorisé électriquement avec 2.5 tonnes de batteries.
2. Motorisé par moteurs thermiques avec 2.5 tonnes de kérosène.
Pour ces deux cas, nous avons cherché l’autonomie avec le plein de batteries et le plein de kérosène.
Notre calcul n’a pas le souci de précision, le but est de comparer ces deux types de motorisation.
Précisons qu’avec d’autres masses d’avion (1t ou 100 t), nous aboutissons à la même conclusion.
Données réelles du calcul :
Batterie : 200 Wh/kg de batterie, moteurs et équipements rendement 70 %
Kérosène : 12 800 Wh /kg de kérosène alimentant réacteurs rendement 38 %
L’avion électrifié (10 t / 2.5 t batteries/ɳ = 70% /finesse 20) autonomie : 240 km
Un avion motorisé thermique (10 t /2.5 t kérosène/ɳ = 38 %/finesse 20) : 8 240 km
L’efficacité des moteurs thermiques est 34 fois plus grande que celle des moteurs électriques.
Précisons que ce rapport est lié aux hypothèses, en particulier aux rendements. Cependant dans la plage raisonnable de variation de ces hypothèses, la conclusion restera inchangée : le thermique surpasse l’électrique. La motorisation électrique est inadaptée aux avions de transport.
Pour l’avion que nous avons pris en exemple :
L’avion électrique
Peut assurer des Paris - Lille/Reims/Orléans/Le Havre
Peut assurer des liaisons régionales Toulouse - Béziers/Narbonne/Rodez/Mont-de-Marsan
Il ne peut pas assurer des Paris Lyon/Marseille/Bordeaux/Strasbourg
L’avion thermique
Peut assurer 100% de l’Europe, 99% de l’Amérique, 98 % de l’Afrique
Il ne pourra assurer l’Océanie qu’au prix d’un ajout de kérosène
Vous trouverez tous les détails de notre calcul dans la partie définitions ci-après.
AUGMENTER LES DISTANCES FRANCHISSABLES
Les calculs ci-dessus sont basés sur l’hypothèse que le carburant (kérosène ou batterie) représente 25 % de la masse maxi décollage. C’est, en gros, le cas des moyen-courriers.
On peut très bien augmenter l’autonomie en augmentant ce pourcentage tout en restant dans les limites de charge maxi. En réduisant, par exemple le payload (passagers + fret). C’est le cas des longs courriers (range 15 000 km) où le carburant kérosène occupe souvent 45 % de la masse au décollage, alors que le payload est réduit à 15% (550 passagers à bord de l’A380).
En comparant les ranges « électrique » et « thermique » (240 km et 8 240 km) on voit que le rajout de carburant kérosène peut conduire aux distances maximales des lignes aériennes de la planète (15000 km) En revanche le rajout maximum de batterie, au détriment du fret et des passagers (50 % de la masse de décollage ne nous conduira pas aux limites de l’hexagone (480km). Si le rajout de batterie se fait par « extension » de la masse maxi décollage, en conservant fret et passagers, la limite encore plus réduite (380 km)
Quelle masse de batteries faudrait-il pour égaler le kérosène en distance franchissable ?
Les calculs ont été souvent publiés, y compris par ID AERO. Nous ne rappellerons que les résultats, en précisant qu’il s’agit du carburant maxi embarqué pour faire le range maxi en tenant compte des réserves obligatoires. Nous précisons cela, car certains auteurs ont limité les missions à la distance de référence. Pour un A320 ils arrivent à 170 tonnes de batteries, inférieures à nos chiffres, mais tout aussi exclusifs pour un avion limité à 74 tonnes maxi décollage.
Type d’avion / Masse carburant total embarqué
motorisation thermique | motorisation électrique | ||
---|---|---|---|
Régional | 70 pax, 20 t maxi, 1 600 km | 5 t kérosène | 170 t batteries X |
Court courrier | 150 pax, 74 t maxi, 5 700 km | 19 t kérosène | XX |
Long courrier | 350 pax, 270 t maxi, 15 000 km | 103 t kérosène | XXX |
TOUT ESPOIR N’EST PAS PERDU
Dans l'histoire de l'aéronautique, ce n’est pas la première fois que l’on se trouve face à une sorte de mur infranchissable. C’est le cas aujourd’hui avec les batteries qui sont pratiquement au maxi d’énergie massique possible. En admettant un allégement des composants (électrodes, électrolyte, enveloppe)
on aura beaucoup de mal à aller au-delà de 500W/kg. Rappelons que même avec ce doublement de leur énergie massique, les batteries resteront très loin du kérosène.
Cela rappelle l’épisode des moteurs à pistons d’avant-guerre. Ces moteurs de plus en plus puissants permettaient des records de vitesse de plus en plus spectaculaires. On ne voyait pas de limite. Il suffisait d’ajouter un étage de moteur pour gagner quelques km/h. Mais vers les années 1938-1939, malgré l’ajout de puissance, la vitesse maxi de l’avion plafonnait vers 750 km/h. On mit un certain temps à comprendre pourquoi plus de puissance ne donnait pas de surcroît de vitesse. La raison se logeait non pas dans le moteur, mais dans l’hélice dont les extrémités de pales devenaient soniques. Whittle en Angleterre, Von Ohain en Allemagne et Rateau en France trouvèrent la parade avec les hélices carénées des réacteurs.
Il est probable qu’après l’épisode des batteries et des piles à combustible actuellement en butée, on fasse une découverte disruptive.
CONCLUSION
1. Piles et batteries ont conquis le monopole de la fourniture d’énergie pour les petits objets de notre quotidien. Elles offrent les petites puissances et les énergies correspondant à ces besoins.
2. Les Batteries ont également conquis une partie de nos petits véhicules terrestres.
3. Leur pénétration sur le marché des automobiles est nettement plus problématique. Ceci en raison de l’autonomie et du temps de recharge. On peut rêver à l’hypothétique batterie du futur permettant une autonomie identique à celle de l’essence (800 à 1000km) et un temps de recharge rapide. En 2005, Toshiba, jamais avare de promesses, annonçait une batterie Lithium rechargeable à 80 % en une minute (1 minute). Un tel temps de recharge correspondait à une puissance massique de 5000W/kg ! On l’attend toujours... Même observation concernant le matériel de travaux extérieurs (tondeuses, tronçonneuses…). La puissance et l’énergie massiques sont beaucoup trop inférieures à celles offertes par l’essence. Les batteries sont utiles, dans quelques véhicules existants, en hybridation aux piles à Hydrogène, poussives dans les accélérations, pour fournir la puissance momentanée nécessaire.
4. Constat : l’électrique « marche » pour les matériels destinés aux petits travaux et « ne marche pas » pour les matériels destinés aux gros travaux.
5. Pour l’avion, les calculs et les essais conduisent au même constat.
6. L’électricité avec les batteries actuelles permet de motoriser de petits avions d’aéroclubs ou d’écoles de pilotage dont le rayon d’action et la durée de vol sont limités (30 à 40 minutes)
7. L’électricité est totalement inadaptée à motoriser commuters, avions régionaux, moyen-courriers et encore moins les long-courriers. En hybridation batterie / pile à combustible, nous avons vu dans notre lettre sur les start up que la formule avait un sens pour des distances allant jusqu’à 500 km ; au-delà on ne voit guère d’intérêt par rapport au Thermique.
8. Pour les avions de transport, cette conclusion est celle d’aujourd’hui, mais tout porte à croire qu’elle sera celle de demain tant l’écart est énorme entre les énergies massiques de l’électrique et du thermique ( Nous avons vu que suivant le calcul simplifié de cet article la motorisation thermique est 34 fois plus efficace que la motorisation électrique).
9. En résumé, sauf une découverte disruptive miraculeuse, il ne faut pas compter sur la motorisation électrique des avions pour réduire leur émission de CO2. Mais il faudra plutôt compter sur les SAF dont la production devrait s’accroître au cours des prochaines années.
Ces carburants ouvrent de nouvelles perspectives.
D’abord, ils ont la grande vertu d’être « drop in » directement utilisables dans les moteurs thermiques actuels.
Ensuite, ils peuvent en principe être utilisés dans des moteurs thermiques hybridés avec des piles à combustible ou avec batteries. Ceci dans le sens de la décarbonation.
Cependant, ne rêvons pas. Dans l’immédiat, la production de SAF couvre moins de 1 % du besoin mondial. Certes l’Europe, jamais en retard de projets, a fixé cette production de SAF à 15 % des besoins européens en carburant, à l’horizon 2050.
Autre hic et de taille, le SAF est parfois à 16$/gallon contre 2.5$/gallon pour le kérosène. L’écart de prix fluctue entre deux et six. Pour compléter le tableau, les États-Unis subventionnent le SAF, l’Europe non.
Voir ci-après (Références) l’opinion de la profession sur la manière d’atteindre la décarbonation en 2050. Cette opinion rejoint complètement le contenu de notre présente lettre.
DÉFINITIONS
Pourquoi l’électrique ne « marche » que pour les avions courtes distances ?
Cette question de bon sens nous est régulièrement posée. En effet, la logique voudrait qu’en ajoutant assez de kilos batteries dans un avion, on puisse lui faire parcourir la distance souhaitée. Ça paraît logique, mais en ajoutant le maximum possible de batteries on n’arrive pas à l’autonomie d’un avion de ligne. Pourquoi ?
Habituellement La distance franchissable d’un avion est calculée à l’aide de la formule Breguet Leduc :
Rassurez-vous, dans notre cas, nous ferons un calcul simplifié amplement suffisant pour notre recherche. Précisons que nos hypothèses simplifiées et les résultats obtenus n’ont pas de caractère de précision. En revanche, le rapport de ces résultats entre électrique et thermique suffisamment précis pour conclure.
Exemple d’un avion de 10 tonnes à électrifier
Le devis de masse de cet avion est considéré comme étant dans la moyenne courante.
Masse maxi au décollage 10 tonnes dont (Masse à vide 5 t, masse passagers fret 2.5 t, masse carburant 2.5 t)
Dm étant la distance maximale avec le plein carburant (2.5 t de batteries)
La masse de carburant disponible au vol est prise égale à 80 % du plein pour tenir compte du décollage et réserves
Le pouvoir énergétique des batteries est pris égal à 200 Wh/kg de batterie.
La finesse de l’avion (rapport entre la traînée et le poids de l’avion en Newtons) est pris égal à 20
Le rendement des moteurs électriques et des équipements est pris égal à 70 %.
Poids moyen de l’avion durant le vol : 75000N + 80 % x 25000N/2 = 85000N
Traînée moyenne de l’avion durant le vol 85000N/20 = 4250N
- Énergie nécessaire au vol : 4250N x Dm (en Joules) soit en Wh : 4250 x Dm /3600 Wh
- Énergie disponible : 80% x 2500 kg x 70 % x 200 Wh/kg = 280000Wh
- Distance maxi franchissable 4250 x Dm /3600 = 280000 ð Dm = 340000 m = 240 km
Même avion, mêmes conditions, mais motorisé avec moteurs thermiques.
Rendement des moteurs thermiques 38 %
Pouvoir énergétique du kérosène : 12 800 Wh/kg de kérosène
- Énergie nécessaire au vol : 3000N x Dm (en joules) soit en Wh : 4250 x Dm/3600 Wh idem cas électrique
- Énergie disponible : 80% x 2500 x 38 %x 12800 = 9 728 000 Wh
- Distance maxi franchissable 4250 x Dm/3600 = 9728000 ð Dm = 8240000 m = 8 240 km
Roadmaps Décarbonation 2050
La communauté aéronautique ne croit pas aux batteries pour motoriser les avions et guère à l’hydrogène. Elle compte plus sur les SAF. C’est ce qui ressort du graphique ci-dessous représentant les treize roadmaps d’organismes divers, sur leur manière d’atteindre la décarbonation 2050.
Sources
Crazybird Seta E-Bike (crazybirdbike.fr)
Black Friday vélo électrique : à quoi s'attendre en 2023 ? (linternaute.fr)
GT2 Trottinette électrique tout terrain 800W | isinwheel
Tesla : tout savoir sur ses modèles de voitures électriques (americarprestige.com)
L'avion léger Cri Cri a mis une pile dans son moteur | Les Echos
Bourget 2011 : le Solar Impulse annonce l'avion décarboné | Les Echos
Pourquoi Airbus abandonne son projet d’avion électrique E-Fan (usinenouvelle.com)