MRO
Évolution des dépenses de MRO aux USA depuis le début de la crise COVID
Le contexte :
Depuis le début de la pandémie, nous suivons l’évolution des dépenses de MRO en lien avec le nombre de vols/cycles et de PKT (passagers kilomètres transportés) à travers les indicateurs en provenance des USA. Les effets directs de la pandémie sont aujourd’hui quasi terminés, cependant des problèmes demeurent :
- Les effets durables de la crise chez Boeing, qui limitent l’introduction d’appareils neufs et conduisent au maintien en service d’avions anciens avec des coûts d’entretien plus élevés,
- La difficulté de la reprise post COVID dans l’industrie aéronautique et les tensions persistantes dans la chaîne d’approvisionnement,
- La guerre en Ukraine et ses conséquences, qu’il convient de garder en mémoire même si les données américaines présentées ici sont peu impactées.
L’évolution :
La courbe présente l’évolution, par rapport au trimestre correspondant de 2019, des dépenses de MRO en $ constants des compagnies américaines comparée à l’évolution du nombre de leurs vols et à celle de leurs PKT.
La lettre TBM apporte au lecteur des compléments d’analyse notamment sur la forte hausse de début 2024.
Évolution des dépenses de MRO aux USA depuis le début de la crise COVID
Quelques lapalissades et avertissements utiles : l’activité MRO dépend de l’utilisation de la flotte…
► Nous savons que, pour un certain nombre d’équipements dont notamment les moteurs, le volume nécessaire de maintenance dépendra des conditions d’utilisation. Aussi et dès lors qu’il s’engage, notamment via des contrats forfaitaires, sur le coût de possession et d’utilisation, le fournisseur cherche à ce que les contrats de maintenance permettent de refléter ces conditions d’utilisation ; ces derniers sont donc adaptés à chaque compagnie aérienne voire, au sein de celle-ci, à chaque ligne. La réalité des conditions d’utilisation est en outre suivie par le fournisseur à travers les données sur les vols réalisés (que l’avion décolle de X ou Y n’est pas indifférent), ainsi que les données issues des capteurs et enregistrées (température, pression, vitesse de rotation etc.) ; cette réalité est prise en compte lors de la facturation.
La présente étude ne prétend pas refléter cette réalité matérielle, physique et finalement contractuelle. Elle propose une vision globale à partir des données disponibles qui viennent de l’administration américaine qui, à notre connaissance, est la seule administration suivant et publiant des données sur les dépenses de maintenance.
► Si l’activité MRO dépend du trafic, la question demeure de savoir quel indicateur global de cette activité - c’est-à-dire en dehors des conditions d’utilisation spécifiques évoquées plus haut - est le plus pertinent ; la MRO peut en effet être générée par différents facteurs :
- Échéances calendaires
- Nombre d’heures de fonctionnement
- Considérations économiques (restauration des performances moteurs pour réduire les coûts d’exploitation)
- Nombre de cycles
► Pour les différentes raisons qui suivent, il est pertinent de prendre comme référence le nombre de cycles, en effet :
L’essentiel de la flotte est composé de courts et moyens courriers avec des ratios nombre de cycles / nombre d’heures plus élevés que les longs courriers. Un grand nombre d’équipements sont maintenus essentiellement sur ce critère de nombre de cycles (moteurs, trains, roues et freins voire cellules) ; l’appellation communément employée de contrat de maintenance à l’heure de vol ne doit pas tromper : ces contrats prennent bien en compte le nombre de cycles vs le nombre d’heures.
A cette raison fondamentale, il convient d’en ajouter deux plus pragmatiques :
- Le choix disponible se limite à nombre de cycles ou PKT (passagers-kilomètres transportés, en anglais revenue passenger-kilometres) ; le choix du PKT comme référence est moins pertinent, car il dépend du taux de remplissage et du mix de flotte utilisé (un vol de long courrier génère plus de PKT qu’un vol de court-moyen-courrier).
- Le nombre de cycles permet d’additionner les vols passagers et les vols cargo dont le taux d’utilisation a été élevé pendant la crise COVID.
► Ce choix du nombre de cycles étant posé, il convient de rappeler que le financement de la MRO est issu des PKT et tonnes transportées : faire voler un avion à vide générera un besoin de MRO, mais ne permettra pas de le financer.
L’évolution des dépenses de MRO aux USA depuis le début du COVID
Le contexte :
Depuis le début de la pandémie, nous suivons l’évolution des dépenses de MRO en lien avec le nombre de vols/cycles et de PKT (passagers kilomètres transportés) à travers les indicateurs en provenance des USA. Les effets directs de la pandémie sont aujourd’hui quasi terminés, cependant des problèmes demeurent :
- Les effets durables de la crise chez Boeing, qui limitent l’introduction d’appareils neufs et conduisent au maintien en service d’avions anciens avec des coûts d’entretien plus élevés,
- La difficulté de la reprise post COVID dans l’industrie aéronautique et les tensions persistantes dans la chaîne d’approvisionnement,
- La guerre en Ukraine et ses conséquences, qu’il convient de garder en mémoire même si les données américaines présentées ici sont peu impactées.
L'évolution
La courbe ci-dessous présente l’évolution, par rapport au trimestre correspondant de 2019, des dépenses de MRO en $ constants des compagnies américaines comparée à l’évolution du nombre de leurs vols et à celle de leurs PKT.
La lettre TBM apporte au lecteur des compléments d’analyse notamment sur la forte hausse de début 2024.
La courbe montre une reprise du nombre de vols et des dépenses de MRO à partir du 4ème trimestre 2020 puis une nouvelle impulsion au premier trimestre 2023.
On sait que pendant la crise, les compagnies ont utilisé en priorité les avions avec du potentiel aussi il a fallu reconstituer le potentiel de la flotte en général à la reprise.
Sans surprise, on constate donc une allure générale de la courbe des dépenses de MRO similaire à celle du nombre de vols avec cependant deux écarts notables :
- En début de crise puis pendant celle-ci, et bien que nous n’en ayons pas eu confirmation de l’administration US, il est vraisemblable que le stockage des avions puis leur gardiennage technique a été comptabilisé par les compagnies dans les dépenses de MRO ; ceci a pu amortir la baisse des dépenses : si le nombre de vols a chuté de 70 %, les dépenses de MRO n’ont chuté que de 30 %,
- L’explosion des dépenses de MRO sur le premier semestre 2024 s’explique pour partie par une augmentation des coûts de MRO (prix des matières et des rechanges) dans un contexte de pénurie : celle d’avions neufs qui conduit à prolonger en service des avions plus anciens générant plus de MRO, ainsi que celle des rechanges dans un contexte de forte demande.
L’explosion de la MRO est encore plus évidente si on la considère en $ courants :
▪ L’évolution des prix des rechanges en début 2024 a été en réalité plus forte que l’indice d’inflation utilisé ici pour passer des $ courants aux $ constants. En volume, l’évolution est certainement moins forte que ne le laisse supposer la courbe en dollars constants.
▪ La planche suivante met en évidence, en $ courants, l’évolution des dépenses de MRO comparée à celle des dépenses opérationnelles dont on a retranché la MRO.
Cette évolution des dépenses de MRO aux USA a cependant également une autre cause que la seule augmentation des prix :
► La hausse est le fait de quelques grandes compagnies qui ont augmenté de façon significative leurs dépenses de MRO : citons le commentaire de Southwest dans son rapport du deuxième trimestre 2024 :
« En dollars et par ASM (Available Seat Miles), environ 65 % de l'augmentation est principalement due à une augmentation des Shop Visits et à d'autres dépenses liées aux moteurs pour les flottes B737-700 et B737-800 de la Société, environ 15 % de l'augmentation est due aux réparations de la cellule en raison d'un coût moyen plus élevé par événement et du calendrier des événements de maintenance réguliers, et environ 10 % est due à l'augmentation des achats en gros de matériaux pour les efforts de remise à neuf des sièges de la compagnie aérienne sur l'ensemble de sa flotte ». (10-Q, page 42)
► On peut donc considérer qu’il s’agit aussi d’une reconstitution de potentiel sur des avions de la génération précédente qu’il s’agit de maintenir en service sans doute plus longtemps que prévu et avec un réaménagement des cabines.
Définitions
Nombre de vols ou nombre de cycles : le nombre de vols couvre ici les avions passagers et les avions-cargos.
PKT : passagers-kilomètres transportés (en anglais revenue passenger-kilometres). Cet indicateur représente la majeure partie des revenus des compagnies aériennes (hors l’activité fret qui est exprimée en tonnes-kilomètres transportées) et donc le moyen de financer la MRO.
MRO (Maintenance, Repair, Overhaul) comprend ici toutes les dépenses de maintenance (directes, c’est-à-dire attribuables à un avion, et indirectes, c’est-à-dire les coûts de la structure de maintenance propre à la compagnie).
Dollar constant : dollar courant corrigé par l’indice des prix du GDP américain (Produit intérieur Brut). La source du déflateur du Gross Domestic Product US est le Bureau of Economic Analysis (BEA). La différence entre dollar courant et dollar constant correspond à l’inflation.
Sources
Nous avons utilisé les statistiques de l’administration américaine qui sont en matière de MRO uniques et incontournables ; elles concernent les opérateurs américains qui sont tenus de faire des déclarations à leur administration notamment sur leurs dépenses de MRO lesquelles sont représentatives d’une partie importante de l’effort financier consacré à la sécurité.
Cette référence peut être considérée comme universelle (hors effets conjoncturels spécifiques) : les coûts des rechanges, celui des infrastructures de maintenance sont les mêmes dans tous les pays et ils sont déterminants ; les référentiels de maintenance sont normatifs, réglementaires et donc mondiaux ; seul le prix de la main-d’œuvre peut varier d’une région à l’autre, mais les compagnies aériennes américaines comme d’autres font réaliser une partie de leur maintenance dans des pays à bas coût ; bref le marché de la MRO est mondial.
Southwest :
https://www.southwestairlinesinvestorrelations.com/financials/quarterly-results/2024
https://www.southwestairlinesinvestorrelations.com/~/media/Files/S/Southwest-IR/2q24-10-q.pdf