Analyse au vol : Trafic aérien
La beauté des courbes
Si ID Aero n’existait pas, il faudrait l’inventer. Cette formule amusante est particulièrement vraie dans un domaine : celui du trafic aérien.
Cela fait des années que les équipes d’ingénieurs et d’experts d’ID Aero planchent sur les chiffres du transport aérien, compagnie par compagnie, zone par zone, bien avant que IATA ne dévoile ses tendances, les décortiquent, les analysent. Ils en ont tiré des tendances de long terme jamais démenties ces vingt dernières années, malgré les crises, les guerres, les attentats et les événements imprévus comme l’éruption d’un volcan...
Toujours, cette croissance a retrouvé sa courbe, une courbe symptomatique de celle de la consommation, avec un tassement progressif, qui l’a vu passer de 6% par an à 5% et aujourd’hui un peu en dessous. Les États-Unis, principal moteur du trafic aérien mondial, ont fini par atteindre leur taux de maturité, l’Europe pas encore, mais tend à y parvenir ; le moteur chinois a pris le relais, à l’international puis en intérieur avec la progression de la croissance. Demain viendrait le tour de l’Inde et de l’Indonésie.
Et puis est survenue la crise – presque – imprévisible. Une crise sanitaire du Covid-19 (mais on avait en déjà connu avec le SRAS en Asie qui avait impacté le trafic aérien) avec une conséquence impensable : des décisions publiques visant à geler les transports, à empêcher les gens de se déplacer, a fortiori en avion, à tout bloquer, tout arrêter. Du jamais vu. Au nom de la santé et de l’ordre publics.
Dans les crises précédentes, le transport aérien avait chuté, perdu des dizaines de pourcent, plongé comme un avion en piqué. Mais jamais, jamais, il ne s’était totalement arrêté. Rebondir quand on a baissé, ce n’est pas si difficile, c’est juste une question de rythme. Mais repartir quand on a été à l’arrêt complet, c’est une question d’énergie cinétique, d’inertie. C’est un effort énorme. Et pourtant, il y est arrivé.
Aujourd’hui, le transport aérien a retrouvé ses niveaux d’avant crise, d’avant 2019.
Malgré une croissance chinoise sur le marché international en berne – ce qui laisse de l’espoir pour le jour où elle sera repartie -, malgré un occident gangréné par les pressions écologistes qui veulent clouer au pilori l’usage de l’avion au nom du « flygskam », la honte de voler (les oiseaux apprécieront), plutôt que de s’attaquer au textile pas cher, la « fast fashion » ou aux data centers pour télécharger encore plus vite les vidéos.
Alors, oublié le Covid ? Pas si vite, papillon. C’est une chose de retrouver le niveau brut d’avant-crise. C’en est une autre de faire oublier ces années de plomb, de surcompenser, comme les autres fois, de se remettre sur la courbe de tendance, de repartir vraiment de l’avant, comme avant.
Seul l’avenir le dira, un avenir fait de gens qui ont envie ou besoin de voyager loin, pour leur vie professionnelle comme leur vie personnelle, qui ne veulent pas traverser l’Atlantique en bateau, contourner l’Afrique par le Cap de Bonne Espérance, aller à San Francisco en passant par le Cap Horn… Ou alors pour le plaisir.
Pierre ORLAN