Analyse au vol
Un vol presque parfait
Il aura donc fallu moins de 40 ans à la famille de l’Airbus A320 pour rattraper l’ex-best-seller de l’aéronautique mondiale, le Boeing 737. L’impensable est donc arrivé. Et sans tambour ni trompette. Car l’A320 n’est pas, en apparence, un avion spectaculaire comme ont pu l’être le Concorde ou l’A380. Un « petit » avion normal, l’air de rien.
Dans les faits tout de même, une révolution technologique, avec le « fly-by-wire », la généralisation des commandes de vol électrique, quand ses concurrents américains restaient attachés à l’hydraulique et à l’huile de coude, censées plaire davantage aux pilotes. L’histoire aura prouvé le contraire. Certes, ces derniers ont dû s’adapter. Il y eut quelques pages sombres (Habsheim, Mont Saint-Odile…) qui ont amené à faire évoluer certains choix et certaines ergonomies.
Mais comme on les aime chez Airbus, en douceur, pas à pas, sans à-coups ni palier. Quand Boeing a privilégié les sauts générationnels, jusqu’au dernier avec ses ultimes errements, causés, selon certains par une culture devenue plus financière qu’ingénieur, et qui auraient été hérités de McDonnell Douglas plus que de la maison-mère de Seattle. C’est là un des autres atouts d’Airbus. Même si cela compte, Wall Street n’y fait pas la pluie et le beau temps. Sinon, les profits auraient suivi les ventes et le carnet de commandes. Ce n’est pas le cas.
La maison est bien gérée -sans dictature du court terme et des retours sur investissements les plus rapides possible- en dépit de sa structure type usine à gaz européenne ; son énorme carnet de commandes et son best seller A320 gommant la plupart des problèmes inhérents à la coopération. Certes, la maison européenne pourrait être davantage rentable. Mais au profit de qui et en cédant sur quoi ? C’est pour ne pas avoir voulu répondre à cette question qu’Airbus a lentement tissé sa toile, en n’acceptant qu’une transition très réussie avec l’arrivée du Neo, gage d’une meilleure performance durable avec des moteurs plus économes et tout aussi efficaces.
Alors bien sûr, ce n’est pas un hasard si c’est précisément au moment où l’on souligne ce succès que l’on commence à entendre parler de projets de relève pour l’A320, où des esquisses circulent. Il ne faudrait pas faire la décennie de trop.
Mais comment succéder à une telle réussite ? Comme d’habitude, ce seront les clients qui décideront. Si les compagnies aériennes veulent un nouvel avion, elles le feront savoir. Il faudra les écouter… sans suivre aveuglément leurs demandes. C’est pour ne pas avoir suivi ce précepte que Boeing n’a pas riposté à l’A320 quand il est arrivé et a préféré continuer sur sa famille B737, choix en partie judicieux, mais dont les excès ont fini par se révéler pernicieux, voire catastrophiques.
Comptons sur Airbus pour savoir l’éviter enrichi de cet exemple parlant émanant d’un concurrent qui reste hautement respectable, Toulouse n’ayant jamais commis l’erreur de la condescendance.
Pierre Orlan
Graphes et Tableaux
Les graphes et tableaux sont disponibles ci-dessous dans le fichier PDF téléchargeable.
A320_vs_B737_e9e8a1fede.pdf