Analyse au vol
Une sanctuarisation trop belle pour être vraie
Vous avez dit bizarre ? Comme c’est bizarre. Alors que la France atteint des niveaux d’endettement record et qu’est lancé le concours Lépine des recherches d’économies - moins que celui de nouvelles taxes, nos politiques et nos fonctionnaires sont incorrigibles -, sur fond de querelles politiques entre partis (taxer les riches ou l’ensemble, plus nombreux, de la population ?), il est étrangement un poste budgétaire qui fait l’objet de peu de commentaires ni de propositions de coupes, c’est la défense donc la loi de programmation militaire dite LPM.
Vous me direz, c’est normal. Avec la guerre russo-ukrainienne à nos portes, les tensions qui subsistent au Moyen-Orient (et peuvent avoir des répercutions chez nous) et désormais un impérialisme trumpien qui veut lâcher l’OTAN européenne, mais annexer le Groënland danois, ce n’est guère le moment de penser au désarmement.
Nos responsables seraient donc devenus sensibles à la voie de la raison ? En apparence, c’est le cas. Élysée, Matignon, Assemblée Nationale, Sénat, très rares sont les voix qui veulent remettre en cause la sanctuarisation du budget de la défense, même au sein de la frange la plus à gauche.
Les armées et l’industrie de défense peuvent donc dormir sur leurs deux oreilles ? Ce serait trop beau. D’abord parce que, de la Commission de Bruxelles à la Banque centrale européenne, l’idée de vouloir calmer les velléités de Washington d’augmenter les droits de douane sur les produits venus du Vieux Continent en achetant davantage de matériels militaires américains, enterrant du coup le mythe fragile de la préférence européenne, a de quoi surprendre sinon scandaliser.
Ensuite, parce que tout en faisant mine de protéger l’enveloppe financière dévolue à la défense, nos responsables ne cessent d’ajouter des missions, ponctuelles ou structurelles, de soutien à certaines populations ou certains territoires meurtris, de sécurité métropolitaine, ultra-marine ou étrangère, qui sont autant de dépenses supplémentaires… non financées.
Le risque est grand dès lors de voir quelques têtes d’œuf, à Bercy ou ailleurs, proposer de décaler certains achats de matériels tricolores ou certains investissements liés à la préparation de l’avenir, afin de tenter de faire rentrer l’édredon dans la valise par un « habile » lissage.
Les fidèles soutiens à notre effort de défense vont devoir se montrer vigilants dans les prochaines semaines s’ils ne veulent pas hériter d’une sanctuarisation passoire et faux alibi.
Pierre ORLAN